vendredi 13 juin 2008

La femme idéale à travers les siècles

Femmes idéales
© Musée égyptien de Berlin / Louvre / National Gallery of art de Washington / Musée des Beaux Arts d'Anvers / Collection particulière / DR

Blonde pulpeuse, nymphette diaphane, bourgeoise vertueuse... Les canons de beauté n'ont cessé d'évoluer au cours des siècles. Marylin Monroe aurait-elle été une beauté dans l'Antiquité ? Apprécierions-nous la femme idéale du XVIIe siècle ?



Vénus de Willendorf

Vénus de Willendorf, 25 000 avant J.C. © Musée d'Histoire naturelle de Vienne


Vénus : la beauté synonyme de survie

De nombreuses Vénus (environ 250) datant du Paléolithique (3 millions-12 000 avant J.C.) ont été découvertes en France et dans tout le reste de l'Europe. Sculptées dans l'ivoire, l'os ou encore la pierre, ces statuettes constituent les premières représentations de la femme aujourd'hui connues. Elles ont de nombreux points communs : courtes silhouettes, visage souvent sans traits, seins, ventre, fesses, cuisses hypertrophiées. A l'inverse, les mains, pieds, membres supérieurs et, à un degré moindre, les jambes sont négligées. La fonction exacte des ces Vénus n'est pas connue. Certaines présentent un trou de suspension et devaient donc être utilisées comme objets de parure. D’autres ont été trouvées dans un contexte rituel. L'aspect des Vénus pourrait laisser à penser qu'il s'agirait d'idoles de la fécondité et de symboles de la fertilité : beauté et survie sont étroitement associées dans les premières représentations de l'idéal féminin.




Dame de Brassempouy

Dame de Brassempouy, 25 000 avant J.C. © Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye

Un visage délicat

La première représentation de visage humain connue est celle de la “Dame de Brassempouy”, du nom du village des Landes où la statuette d'ivoire a été retrouvée. Datant du Paléolithique supérieur (25 000 avant J.C.), comme de nombreuses Vénus, cette pièce fine et délicate constraste avec les autres représentations féminines de la même période. Cet objet minuscule, haut d'environ 3 centimètres, a été retrouvé au milieu d'autres statuettes dans la "grotte du Pape" de Brassempouy. Seul visage parmi toutes ces représentations, il présente des arcades sourcilières, un nez et un menton bien en relief. Le profil est fin, plus proche, à première vue, de celui d'une demoiselle médiévale que des visages sans traits des Vénus. La tête et le cou sont recouverts de lignes croisées : longtemps interprétés comme une capuche, ces détails représentent plus probablement une chevelure tressée.



Buste de Néfertiti

Buste de Néfertiti, 1 500 avant J.C. © Musée égyptien de Berlin

Les canons égyptiens

Depuis les débuts de la civilisation égyptienne, la femme est représentée suivant des canons relativement stables. Parmi les femmes célèbres pour leur beauté, on peut citer Ahmes-Nefertari, épouse d'Ahmes et mère d'Aménophis Ier. Ahmes-Nefertari faisait l'objet d'un culte de la personnalité et d'un culte divin : les statues la représentent comme une beauté africaine élancée, mince et musclée, aux jambes longues et aux fesses rebondies, aux seins menus et à la taille large. Elle est souvent vêtue d'une robe de lin laissant paraître ses formes par transparence. La représentation du visage dans l'art obéit à des règles précises, comme on peut le voir sur le fameux buste de Néfertiti. La peau est peinte en ocre jaune et non en rouge, comme c'est le cas pour les hommes : la femme, qui veille sur la maison, est à l'abri des rayons du soleil. L'œil, souvent exagérément ouvert, est souligné d'un trait de khôl qui intensifie le regard. Enfin, la femme idéale égyptienne est éternellement jeune.


Vénus de Milo

Vénus de Milo, 130-90 avant J.C. © Musée du Louvre

Pendant la période archaïque (VIIe-VIe siècles avant J.C.), les statues ne représentent jamais de personnes réelles : elles s'attachent, au contraire, à un idéal de beauté, de piété, honneur ou sacrifice. Cet idéal est alors incarné par un jeune homme, entre l'adolescence et l'âge adulte. Les femmes, quant à elles, sont drapées dans des tuniques laissant voir la forme de leur corps aussi athlétique que celui des hommes. En effet, à cette époque, la beauté réside dans l'harmonie du corps et non dans un quelconque artifice : seul l'exercice physique peut permettre d'obtenir le corps musclé adéquat. Ce n'est qu'à partir du Ve siècle que la statuaire s'attache à représenter également de vraies personnes. C'est le sculpteur Praxitèle qui fait accepter pour la première fois le nu féminin. Il présente une image érotique et féminine de la femme, et s'inspire, pour ses sculptures d'Aphrodite, des courbes et du visage de Phryné, célèbre courtisane de l'époque.



Vierge à l'enfant

Vierge à l'enfant, Fouquet, 1450 © Musée des Beaux Arts, Anvers

L'interdiction du maquillage

Au Moyen Âge, le maquillage, sous prétexte qu'il travestit les créatures de Dieu, est interdit par l'Église toute puissante. Une seule couleur est tolérée, "le rouge de la pudeur". La Vierge Marie est alors généralement représentée comme une statue sans aucune féminité : la statuaire romane la présente comme un simple support ayant le Christ dans ses bras. La Vierge à l'enfant que l'on peut ici observer est une exception : il s'agit en fait d'un portrait d'Agnès Sorel, maîtresse du roi Charles VII (1403-1461), travestie en Vierge. On peut remarquer son teint très pâle : symbolisant la pureté, mais aussi la richesse et l'oisiveté, la blancheur de la peau est alors très recherchée. Agnès Sorel s'est également épilé le front : une manière de conserver un visage aussi juvénile que possible et de mettre le regard en valeur.



Polyptique de la vanité

Polyptique de la vanité, Hans Memlin, 1440 © Musée des Beaux Arts de Strasbourg

La nymphe médiévale

Généralement dissimulé sous des vêtements amples, le corps doit obéir à des canons très particuliers. La jeunesse, encore une fois, est exaltée : la femme se doit d'être large d'épaule et d'avoir des seins petits, fermes et écarté, une taille de guêpe, des hanches étroites et un ventre rebondi. La blondeur est également exaltée.





Gabrielle d'Estrée et sa soeur

Gabrielle d'Estrée et sa sœur © Musée du Louvre

La sophistication à l'honneur

Sous le règne de Catherine de Médicis, la France découvre les fards, importés d'Orient. Désormais, à la Cour de France, on se maquille les yeux, les cils et les sourcils à l'antimoine noir ; on porte du vermillon sur les lèvres, les ongles et les joues. On va jusqu'à se rougir le bout des seins. Le teint diaphane est toujours de mise. Les courtisanes de Venise, considérées comme les plus belles femmes, véhiculent une nouvelle idée de la femme idéale, qui doit désormais être pulpeuse, avoir le teint pâle et les cheveux d'or (le fameux blond vénitien).


La Naissance de Vénus

La Naissance de Vénus, Sandro Botticelli, 1485 © Galerie des Offices, Florence

Du corps idéalisé...

Pendant la Renaissance, le corps féminin réapparaît dans l'art non-religieux. Il est encore une fois idéalisé. Les femmes des tableaux de Raphaël et de Botticceli se tiennent dans des postures peu naturelles, qui rappellent le déhanché des statues antiques grecques. Quant à la Vénus de Botticelli, elle a tout de la statue : d'une blancheur d'ivoire, sans le moindre poil ni bourrelet, elle est l'archétype de la beauté de marbre. Une divinité plus qu'une femme, au corps entièrement idéalisé. Beaucoup d'éléments ne tiennent pas compte des règles de l'anatomie : le cou est étrangement long, les épaules trop tombantes et le bras gauche est bizarrement attaché au reste du corps. Les artistes de l'époque transforment la réalité pour mieux se rapprocher de leur conception de l'idéal féminin.

L'Enlèvement des filles de Leucippe

L'Enlèvement des filles de Leucippe, Rubens, 1618 © Pinacothèque de Munich

... A la femme appétissante

Mais un glissement réaliste s'opère dans l'art de la Renaissance. Les aristocrates et mécènes qui admirent les beautés froides de Raphaël, aiment également les rondeurs des femmes chez du Titien ou de Rubens. Cuisses dodues, poitrines lourdes et embonpoint appétissant : Rubens incarne ce glissement vers un art sensuel, un appel aux sens et au désir du spectateur.






Madame de Montespan

Portrait de Madame de Montespan, Anonyme

Pendant le Siècle classique, la beauté correspond à des canons très précis. C'est l'heure du jardin à la française, de la domestication du naturel et du culte de la sophistication. On demande aux femmes d'avoir un teint de lait, une taille très fine, une poitrine imposante, des bras et des mains potelés. Les femmes se fardent de rouge, symbole de l'amour et de la sensualité, et vont jusqu'à accentuer leurs veines pour souligner leur délicatesse et leur haut lignage. Madame de Montespan incarne parfaitement la femme idéale d'alors, comme on peut le voir sur ce tableau d'époque. Le corps est enfermé dans un corset enserrant impitoyablement la taille et faisant ressortir le profond décolleté, la peau est pâle et les lèvres d'un rouge profond.



Marie-Antoinette à la rose

Marie-Antoinette à la rose, E. Vigée Lebrun, 1783 © Musée du Château de Versailles

Le naturel avant tout

Pendant le XVIIIe siècle, Siècle des Lumières, s'opère une révolution des idées qui touche à tous les domaines, et notamment à celui de la beauté. Après les excès du XVIIe siècle, structures en bois rendant les hanches plus larges que les épaules et perruques immenses, l'heure est à un retour au naturel. On se maquille moins : la femme idéale de l'époque doit avoir un teint de porcelaine aussi naturel que possible et les lèvres douces. Bien que bouclés et poudrés, les cheveux adoptent un style savamment "décoiffé". La femme n'est plus une beauté statique engoncée dans des costumes trop étroit pour elle. Les tableaux de Fragonard présentent une beauté en mouvement : dans un cadre naturel, les femmes s'ébattent joyeusement, et, au détour d'un jeu, dévoilent une cheville ou une partie de leur corps.

Marie-Antoinette en chemise

Marie-Antoinette en chemise , E. Vigée Lebrun,1783 © Collection privée

Un courant philosophique

Les réflexions de Rousseau sont emblématiques de ce retour à la nature. Mais l'auteur des "Rêveries du promeneur solitaire" n'est pas le seul : dès la fin du XVIIe siècle, le docteur Tronchet incite les femmes à s'ébattre dans la campagne, en tenue "simple", jupes courtes et talons plats, tandis que l'Abbé Prévost exalte dans ses romans l'image de la beauté de la campagne, saine et naturelle. Comme on peut le voir sur ces deux portraits de Marie-Antoinette, ces réflexions gagnent également la Cour. Au Petit Trianon, la reine délaisse les corsets et les coiffures sophistiquées : en témoigne la "chemise" dans laquelle elle pose pour Elisabeth Vigée-Lebrun.



Madame Moitessier

Madame Moitessier, Ingres, 1851 © National Gallery of Art, Washington

La petite molle, idéal bourgeois

Après la Révolution française, plus de perruque poudrée, de mouche ou de rouge aristocratique. Pendant ce siècle, deux types de femmes se partagent le devant de la scène : la belle malade et la petite bourgeoise. Cette période porte aux nues la vertu et la féminité accomplie, celle de l'épouse vertueuse. Bien en chair, brune, le corps laiteux, cette femme incarne la beauté dans son aspect le plus lisse et le plus codifié. La Castiglione, lourde et massive, est ainsi considérée comme l'une des plus belles femmes du Second Empire. La corpulence est le signe d'une maternité satisfaite. Elle est renforcée par des faux-culs et des corsets portant la poitrine en avant. Plus vertueuse que désirable, Madame correspond à un canon de beauté concret, auquel s'oppose l'autre stéréotype dominant, celui de la belle malade aux yeux cernés...


Sapho

Sapho, Charles Mengin, 1877 © Manchester art gallery

Le second modèle à l'œuvre, au XIXe siècle, est celui de la féminité maladive. Il s'agit aussi bien d'une malade des nerfs, dont le déséquilibre confine à la folie et dont la figure emblématique pourrait être Camille Claudel, qu'une malade du corps, telle Marguerite Gauthier, tuberculeuse magnifiée par Alexandre Dumas dans "La Dame aux camélias". Cette beauté a le teint livide, les yeux cernés et les joues creuses. Signes de mélancolie et de désespoir, ces physiques correspondent à une femme mystérieuse, lointaine, fantasmée. Cette beauté correspond au dandysme chez les hommes : il s'agit d'un manifeste esthétique et social en opposition avec le modèle bourgeois dominant.





Louise Brooks

Louise Brooks © DR

La garçonne, beauté androgyne

A la fin du XIXe siècle déjà, Degas et Toulouse Lautrec mettent en avant un nouveau type de beauté : au cabaret ou dans des cadres plus intimes, des demi-mondaines dévoilent leurs formes sous un flot de jupons ou se montrent alors qu'elles font leur toilette. La minceur devient bientôt synonyme de bonne santé. La bourgeoise engoncée dans son corset et sujette aux vapeurs laisse la place à une femme libérée et en bonne santé. Dans les Années folles (1920), c'est la fameuse mode de la garçonne : cheveux coupés court, légère et court vêtue, la nouvelle beauté est androgyne. Les fesses et le ventre doivent être aplatis, les seins petits et bien séparés tandis que les robes sans manches et arrêtées au genou doivent laisser voir des bras musclés et des jambes fines.


Marilyn Monroe

Marilyn Monroe © DR

De la femme sensuelle...

Poitrine généreuse, lèvres pulpeuses, sensualité exacerbée... Après la Seconde Guerre mondiale, la minceur est synonyme de mauvaise santé. Hollywood, la nouvelle usine à rêves toute puissante, crée un nouvel idéal féminin : blonde et sensuelle, l'actrice hollywoodienne a toujours un air de Marilyn. Cette dernière, qui a commencé par poser nue pour des calendriers, s'est transformée pour correspondre parfaitement au nouveau modèle : s'étant éclairci les cheveux en blonde platine, elle est devenue l'image même de la beauté idéale, pure et sensuelle, volcanique et enfantine. Mais tout est bien différent dans la "vraie" vie, où les conventions soiales sont soigneusement respectées : certains parents interdisent aux adolescentes de se maquiller, le flirt est chaperonné, les fiançailles et le mariage sont très codifiés.

Brigitte Bardot

Brigitte Bardot © DR

...A la femme libérée

Mais le cinéma continue de créer la femme. Les grands écrans révèlent des stars jeunes et pulpeuses : Silvana Mangano, Liz Taylor, Sophia Loren et Gina Lollobrigida. Dans les publicités, les pin-up prolifèrent : ces femmes sensuelles et maternelles rassurent ; leur corps est celui de l'abondance et de la bonne santé. C'est aussi la fin du teint pâle : le visage hâlé, synonyme d'une vie sportive et aérée, est désormais de mise. Le bikini a été inventé pendant la Seconde Guerre mondiale, la minijupe dans les années 1960 : en 1968, les étudiantes brûlent leur soutien-gorge en gage de contestation. Peu à peu, la beauté idéale est sortie de son carcan bourgeois : place au refus du modèle établi et à la libération de la femme !


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